Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Phasmes Révolutionnaires

9 avril 2016

Bonjour. Je suis Will. Je suis chargé d’écrire

Bonjour.

Je suis Will.

Je suis chargé d’écrire cet article par et pour le compte de l’organisation dont je fais partie.

Maintenant que les choses sont claires, parlons-en.

Pour tout vous dire, il a longtemps été hors de question de faire sortir les phasmes révolutionnaires de l’ombre. Mais nous en sommes venus à penser que l’anonymat était mieux garanti en pleine lumière qu’à tenter de se cacher. Un type a d’ailleurs écrit une nouvelle là-dessus ou presque (le type s'appelle Edgar. Edgar Poe. La nouvelle, La lettre volée)

Après tout, même s'il arrivait que l'organisation en tire une certaine notoriété, il n’y aurait pas péril en la demeure. Ce n’est qu’un blog… Ca permettra aux phasmes révolutionnaires d’avoir une couverture, une transparence. Les deux ?

Toujours est-il qu’il y a déjà plusieurs années, Nestor et moi nous étions là où je me trouve : derrière un écran d’ordinateur. Nous parlions du reste du monde quand nous sommes arrivés à ce double-constat certain et manifeste :

         De gens comme nous, il en aurait fallu davantage et nous étions pourtant de moins en moins (peut-être les derniers).

         De gens qui passent leur existence à leur barrer le chemin (aux gens comme nous) en revanche, il Y en avait trop et, en toute vraisemblance, de plus en plus.

 

-Tu vois les phasmes ? Dit Nestor au bout d’un moment.

praying-mantis-710996_640

 

 

 

 

 

-Ouais

-Les trucs en forme de brindilles, tu sais?

-Oui, je vois…

-T’as bien eu ça un jour dans ta classe de sciences…

-Oui ! Oui. Oui je te dis ! Ai-je crié. Je vois: des phasmes.

Je suis quelqu’un de patient mais pour tout vous dire, il ne faut pas me chauffer.

Et Nestor s’est mis à disserter sur la ressemblance symbolique entre nous et lesdits insectes. Comme quoi nous étions les génies de la nature opprimés par des hordes de professeurs de SVT. Pas qu’on en veuille spécialement plus aux professeurs de SVT qu’aux autres crétins, c’était juste une métaphore... Les « phasmes » évoluant au sein d’un monde hostile se camouflaient si bien maintenant qu’ils n’étaient sans doute plus en mesure de se reconnaître entre eux. Cela expliquait qu’on soit plantés là tous les deux, Nestor et moi, dans ce cybercafé… Tant qu’il en serait ainsi, selon Nestor, il faudrait essayer d’y faire quelque chose.

Rétrospectivement, on peut dire que c’est que tout a commencé, dans ce cybercafé avec Nestor.

Quand je dis cybercafé, je suis sympa. C’était plutôt la piaule de Nestor au sous-sol de la maison de sa tante. Mais il vaut mieux rester sur le cybercafé vu que la pièce n’avait pas de fenêtre, un lit simple et sur une table deux ordinateurs et une cafetière dont on avait déjà descendu deux fois le volume de trempouille qu’elle fabriquait.

En repartant, dans le milieu de l’après-midi, je réfléchissais à cette histoire de phasmes en cherchant les clefs de la voiture, quand sur le trottoir d’en face, devant le coffre ouvert de son fourgon, j’ai aperçu Crapette, le voisin de Nestor.

Il m’a fait signe de venir. Crapette est censé s’appeler Gérard mais si je vous dis Crapette, vous voyez mieux de qui je parle, faites-moi confiance. Nestor et moi, on s’est accordés sur ce surnom en vertu des espadrilles, du ventre et de l’allure générale, en fait, du voisin.

C’est un type charmant qui était dans le cuivre avant de décrocher. Pour arrondir ses fins de moi, il bosser la semaine (le jour) comme juriste. Et puis sa femme l’a quitté et il est parti quelques années en Nouvelle-Zélande, ou l’inverse. Maintenant il loue la maison en face de celle de la tante de Nestor.

-Salut mon gars. A dit Crapette.

Je lui ai proposé mon aide pour, j’en sais rien, ce qu’il était en train de faire.

-Tais-toi donc. Tu crois que j’ai besoin d’un branquignole comme toi?

On a discuté cinq minutes et je me suis attelé à retraverser l’allée pour rejoindre ma voiture mais Crapette m’a rappelé :

-Dis-donc, gamin. T’as sans doute mieux à faire mais tu n’as pas vu la vieille, tout à l’heure ?

Il voulait parler d’Eugénie, l’institutrice à la retraite, présidente de l’association de quartier, qui rendait régulièrement visite aux habitants du genre de Crapette : c'était la tante de Nestor, justement.

-Non. Elle est sortie, je crois.

La voiture de la tante n’était pas là.

-Putain… Y’a pas moyen de la choper, celle-là ! J’ai toujours sa pelle à tarte…

J’ai voulu chercher tout seul de quoi il était question mais sans succès.

-De quoi ?!

-Mais ouais ! S’est exclamé Crapette. Elle est venue sonner avec un gâteau l’autre jour. Il a fallu que je lui paye un café. Tu sais comment ils sont, ces saloperies de bénévoles ? V’là pas qu’elle reste une heure et demi à prendre de mes nouvelles et qu’elle finit par se casser en oubliant sa pelle à tarte. J’avais ma dose pour la journée, alors plutôt que de la rappeler, je me suis dit que je la lui rendrais plus tard…

-Je vois.

-Ben ouais. Sauf qu’elle est tout le temps barrée.

-Rend le couteau à Nestor… Il lui fera passer.

Crapette m’a regardé :

-Mais t’es con ou quoi ? Tu te doutes bien que si je fais ça, elle va retraverser l’allée pour venir me remercier… Et là avec un peu de chance, je suis bon pour un autre café... Non, et puis c’est une pelle à tarte je te dis. Une pelle, pas un couteau. Comme si y’avait besoin de ça pour manger un gâteau.

Je suis rentré à la maison et sur la route, je ne pouvais plus m’empêcher d’y penser. Les phasmes.

La nuit suivante j’ai rêvé d’Eugénie, en blouse blanche, scrutant un petit arbuste avec une loupe à la recherche d’un phasme. Et un peu plus loin derrière un arbre, il y avait Crapette dans son pantalon camouflage, une veste de jardinage et un bob sur la tête, essayant de vivre sa vie sans qu'on le voie.

Publicité
Publicité
Les Phasmes Révolutionnaires
  • Les phasmes révolutionnaires ont fondé une organisation du même nom il y a déjà quelques années. Leur but ultime est d'écraser le Crétin (sous toutes ses formes)... Et il y a comme qui dirait du travail... Vous avez peut-être remarqué ?
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité